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HIST-B5000

L'historien et la demande sociale, entre expertise et vulgarisation

année académique
2023-2024

Titulaire(s) du cours

Pieter LAGROU (Coordonnateur) et Jérémy LAMBERT

Crédits ECTS

5

Langue(s) d'enseignement

français

Contenu du cours

Ce cours se fixe trois objectifs. D’abord, il forme les étudiants au débats de société. Les questions historiques sont aussi des question citoyennes. Les historiens ont une expertise à partager, à condition de se former à la vulgarisation pour offrir des contenus accessibles, sans rien concéder sur les exigences scientifiques. Ensuite, il part de la présence de l’histoire dans l’espace public, sous forme de patrimoine, de lieux du souvenir, qui sont souvent aussi des lieux contestés, comme une ressource complémentaire aux sources écrites et audiovisuelles. Enfin, il cherche, par le voyage, d’ouvrir les horizons et la géographie mentale des étudiants en histoire, de leur faire découvrir des parties d’Europe trop peu présentes dans leur formation.

Depuis 2014, le cours prend la forme d’un voyage d’étude (Pologne, Lituanie, Macédoine, Grèce, Istrie). C’est la découverte de parties périphériques de l’Europe qui est au cœur du projet dans une démarche proprement historique. Comme le voyage réunit des étudiants se spécialisant en histoire de l’antiquité, du moyen âge, des temps modernes et contemporains, il s’agit d’étudier leurs trajectoires dans toute leur profondeur chronologique et dans toute leur diversité. La réappropriation permanente du patrimoine ancien dans chaque nouvelle période constitue un palimpseste sur lequel chaque nouvelle génération lui assigne une nouvelle signification. La démarche historique est une démarche de contextualisation. La compréhension de l’histoire meurtrière du vingtième siècle doit s’enraciner dans une approche globale de l’histoire régionale dans toute sa complexité. Ainsi, en organisant un voyage en Pologne ou en Lituanie, on ne peut s’intéresser exclusivement à la mort des juifs, mais on doit explorer tout autant la contribution d’un millénaire de vie juive et les innombrables vestiges que cela a laissé. De la même façon, la présence musulmane dans les Balkans occidentaux ne peut être réduite à l’histoire d’une expulsion récente. Une conscience collective citoyenne et démocratique doit se construire sur une réflexion critique qui valorise autant la diversité historique du continent européen qu’elle ne sensibilise aux dangers des discours nationalistes et intolérants.

Objectifs (et/ou acquis d'apprentissages spécifiques)

Le projet, mené depuis dix ans, de transformer un cours en un voyage d’étude, part aussi du constat d’une désintensification de l’organisation de nos enseignements et d’un certain degré de désinvestissement qu’elle provoque de la part de nos étudiants. En effet, le passage d’un cursus intensif de 4 ans à 5 ans par la réforme de Bologne et ensuite l’étalement progressif des études encouragé par le décret paysage, ont eu pour effet que les études universitaires sont devenues pour une partie importante de nos étudiants une activité à temps partiel. Le campus n'est plus un lieu de vie central et la présence aux cours une contrainte difficilement compatible avec leurs jobs étudiants, ce d’autant que la crise sanitaire leur a permis de découvrir les facilités des dispositifs d’enseignement à distance.

Le voyage d’étude est un moyen de recréer un temps particulier pendant lequel l’université redevient une « institution totale » et une expérience immersive. Les voyages successifs ont permis de découvrir qu’une partie des étudiants sont faiblement sociabilisés au sein de leur cohorte et ont eu peu d’occasions d’avoir des discussions de fond en dehors (ou d’ailleurs pendant) leurs cours. Partager un même parcours pendant 7 ou 10 jours, partager les espaces réduits d’un même bus et d’un même dortoir provoque des échanges intenses auquel on ne peut facilement se soustraire. Ceci est d’autant plus vrai que le voyage est organisé autour de lieux avec un impact intellectuel et émotionnel fort, avec un effet cumulatif qui engendre spontanément un besoin de débat, de débriefing, de mise en commun des réactions. Il est particulièrement difficile d’éviter de se confronter à ses pairs, y compris ceux qui ont d’autres opinions, d’autres horizons culturels et d’autres tempéraments.

Le voyage bouscule donc les habitudes et provoque des découvertes – de nouveaux paysages et réalités historiques, mais aussi tout simplement de la façon dont leurs camarades de classe vivent un tel parcours. Pour l’enseignant aussi, il s’agit d’une intensification sans commune mesure avec le quotidien de l’enseignement universitaire et parfois d’une remise en cause.

Méthodes d'enseignement et activités d'apprentissages

Voyage d'étude, précédé par un séminaire hebdomadaire de préparation.

Il y a toujours un certain danger à faire voyager un groupe d’étudiants d’une université belge dans des régions qu’elles connaissent peu et c’est celui de renforcer, plutôt que de bousculer, leurs stéréotypes et idées préconçues. C’est tout particulièrement vrai pour ces régions qui ont connu une histoire meurtrière, y compris de violences dits « interethniques », ces « terres de sang », qui peuvent devenir de lieux de projections exotiques sur la violence intrinsèque de peuplades éloignées, tant géographiquement que culturellement du cœur de l’Europe. Si l’effet obtenu par un voyage en Pologne est de convaincre  les étudiants que les polonais sont irrémédiablement antisémites ou que l’histoire des Balkans est celle de tribus montagnardes qui s’entretuent depuis la nuit des temps, il vaut mieux éviter de les organiser.

Il y a deux antidotes qui permettent de limiter ce risque. Le premier est de multiplier les rencontres sur place avec des responsables de sites, de musées, de centres de recherche et d’universités, personnes choisies pour leur expertise mais aussi leur engagement. Rencontres aussi, là où c’est possible, avec des étudiants des universités locales. Le second est ce que j’appelle la « triangulation ». Toute constellation bilatérale a tendance à renforcer les stéréotypes : belges et polonais, polonais et juifs, polonais et allemands, par exemple. La réalité historique est toujours multidimensionnelle et sa complexité de sa géométrie une formidable ressource. C’est pour cette raison que les régions frontalières et les parcours qui traversent les frontières sont particulièrement inspirants pour apporter la multi-perspectivité. Le voyage propose une plongée dans l’histoire de la multiculturalité européenne, au-delà des initiatives bilatérales italo-slovènes ou italo-croates, par exemple. La répression fasciste, touche des activistes slovènes, des italiens juifs ou encore des communistes croates et la résistance présente cette même diversité. Il s’agit donc de remplacer le prêt-à-penser par le développement d’une pensée critique et empirique.

Contribution au profil d'enseignement

Ouverture à de nouvelles façons de voir et montrer l'histoire (musées, monuments, patrimoine, paysage, débats publics) et à de nouveaux espaces géographiques au périphérie de l'histoire européenne.

Références, bibliographie et lectures recommandées

« La question macédonienne. Retour d’un voyage. » in Mémoires en jeu. N°9, automne 2019, p. 161-166.
« Memories of totalitarianism. The assymetry of memory East and West, and the Holocaust » in : Eugeniusz Smolar (dir.) Memory and Responsibility. The legacy of Jan Karski. Semper Scientific Publishers, Warsaw, 2015, pp. 182-192.
https://issuu.com/polishculturebrussels/docs/reportageulb)

Support(s) de cours

  • Université virtuelle

Autres renseignements

Contacts

pieter.lagrou@ulb.be

Campus

Solbosch

Evaluation

Méthode(s) d'évaluation

  • Travail personnel
  • Présentation orale
  • Travail de groupe
  • Rapport écrit

Travail personnel

Présentation orale

Travail de groupe

Rapport écrit

L'évaluation portera sur la participation active à la préparation du voyage dans l'ensemble des activités organisées, ainsi que sur la production d'un "portfolio".

Le défi du « portfolio » est de partir de lieux, d’espaces, de traces de patrimoine ou de leur absence pour transformer nos façons de voir à travers une analyse historique. L’exposé en classe doit être conçu comme une visite virtuelle d’un lieu, reconductible sur place, lors du voyage d’étude. L’image y occupe donc une place centrale, mais utilisé comme une source parmi d’autres, avec la même méthode de critique historique. Montrer une archéologie de l’image et des espaces, analyser comment la physiologie des lieux a évolué, repérer les événements, les forces, les moments et les périodes de changement, lent ou brutal, destructeur ou régénérateur, montrer comment on peut lire une société derrière l’environnement matériel qu’elle construit, tel est le cahier des charges. Il s’agit donc aussi de trouver des narrations dynamiques et captivantes pour faire vivre l’histoire et inclure des publics non-initiés dans un voyage initiatique.

Un portfolio comporte 5 à 10 pages de texte (environ 3.000 mots), augumenté d’images, photos, cartes de différentes périodes et bien identifiées. Le texte est dûment référencé avec un appareil critique et suivi d’une bibliographie et sitographie.

Construction de la note (en ce compris, la pondération des notes partielles)

Participation pendant les séances: 10/20; travail écrit: 10/20

Langue(s) d'évaluation

  • français

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